Pensées de confinement

Je termine à l’instant une vidéo dans laquelle Alexandre Jollien explique qu’à travers cette épidémie la mort s’est invitée sans prévenir dans la vie de chacun-e. Plutôt habitués à la fuir, nous voilà mis face à notre propre vulnérabilité et celle de nos proches, ressentant un profond sentiment d’impuissance, exacerbé par le confinement, qui nous laisse tout le temps et l’espace d’expérimenter la peur de mourir. Face à ce danger mortel, sans moyen concret d’y échapper, tout à coup notre fragilité resurgit et rien ne nous rassure. Ce virus nous dévoile une vérité que nous avons du mal à admettre : il peut nous tuer et peu importe qui nous sommes, devant lui nous voilà tous égaux.

Nous avons pourtant cru au départ qu’il ne toucherait que les personnes fragiles, les plus âgées, les plus malades … D’ailleurs le gouvernement préconisait seulement à celles là de rester chez elles. Je me suis dit qu’on était mal barrés, nous, les plus exposés à ce vilain virus. Pour sauver l’économie ils ont même pensé à un moment donné que quelques vies déjà mal en point (à leurs yeux hein) valaient bien la peine d’être sacrifiées, arguant qu’une crise économique ferait plus de morts que ce virus. Perso je ne m’aventurerais pas à faire une analyse politico-socio-economique de la situation mais je me dis qu’une société prête à laisser mourir ses vieux et ses handicapés pour sauver son économie est un peu pourrie, voire carrément dégueulasse. Et quand les médecins en ont rajouté une couche en expliquant qu’ils devraient choisir entre leurs patients par manque de lits et de moyens, j’ai vraiment flippé et je me voyais déjà supplier le chef des soins intensifs de me garder dans sa team parce que merde j’ai deux enfants et une putain d’envie de connaître la suite de l’histoire. Mais ma lourde dépendance m’aurait direct mise sur la touche faute de moyens humains pour me donner à manger ou me laver les fesses.

La donne a changé dès lors que le virus s’est attaqué à celles et ceux en bonne santé. Et même si ces dernières en meurent dans une moindre mesure, la vision de ces malades intubés et retournés régulièrement à la force de 5 soignants a de quoi effrayer les plus sceptiques et les plus téméraires. Nous voilà donc toutes et tous logés à la même enseigne, enfermés pour sauver nos miches et celles de nos semblables.

Et puis il y a eu le discours de Macron, celui où il a répété plusieurs fois « Nous sommes en guerre ! ». En l’écoutant je me suis sentie vraiment très mal à l’aise. En guerre ? Je n’ai pas du tout l’impression d’être en guerre. J’ai plutôt l’impression de prendre une bonne leçon. Une leçon d’humilité. La nature nous rappelle que nous ne sommes pas grand chose et que ce microscopique organisme pourrait bien nous décimer. Elle nous remet à notre place, simple élément d’un grand tout !

Et comme je ne crois pas que nous soyons en guerre, je ne pense pas non plus que ce virus ou ces prédécesseurs aient été fabriqués dans un but malfaisant par un gouvernement ou par un autre. Je ne crois pas au complot. Je suis par contre persuadée que notre comportement écologique et surtout notre façon de consommer y sont pour beaucoup. Ce virus et d’autres avant lui, transmis notamment par la chauve-souris ou le pangolin, n’auraient jamais dû arriver jusqu’à nous.

Je crois aussi que cette épreuve que nous traversons sera pour chacun-e l’occasion d’opérer des changements. On ne peut pas sortir indemne d’une telle expérience. Les prises de conscience d’aujourd’hui seront sans aucun doute les nouveaux comportements de demain. Pour ma part en voici déjà trois :

– si j’avais déjà mesuré combien la vie est précieuse, j’ai pris conscience que la santé l’est tout autant.

– s’il me fallait un déclic pour enfin nous alimenter de façon plus responsable je crois qu’il n’y en aura pas un plus clair.

– si je doutait encore que le validisme soit une réalité je dois me rendre à l’évidence : la fragilité est une tare au sein de cette société.

Et pour terminer je pense à celles et ceux pour lesquel-le-s l’enfermement devient un enfer-moment. Nous avons tendance à romantiser ce confinement. Mais pour beaucoup impossible d’y trouver un aspect positif ou une source d’inspiration. Les violences faites aux femmes ont augmenté depuis la mi-mars, celles faites aux hommes sans doute aussi. Et comment ne pas penser aux enfants pour lesquels l’école et l’extérieur en général sont une bouffée d’oxygène dans un quotidien familial maltraitant.

Je ne sais pas comment conclure ce billet sinon en souhaitant qu’on s’en sorte le moins mal possible. Et pour cela il va falloir beaucoup, beaucoup, beaucoup d’amour.

2 réflexions sur « Pensées de confinement »

  1. Je crois que les médecins faisaient déjà des choix entre deux patients, le vieux passant toujours à la trappe, disons simplement que cette situation a permis d’apprendre que oui, aussi fou que cela puisse paraître, c’est une pratique qui existe bel et bien. Cette crise sanitaire creuse encore plus les inégalités, il n’y a que face à la maladie que nous sommes tous égaux, puisque ce virus peut emporter un bébé de six semaines, une ado de 16 ans ou un vieux de 78 ans. Quant à cette histoire de « Nous sommes en guerre »… encore une tentative de faire peur aux français, pas assez réussi j’imagine puisqu’en ce jour ensoleillé, ma rue grouille de parents et enfants sortis faire un tour en famille… Bref, c’est pas gagné tout ça ! Mais oui, il faut rester positif, ce n’est pas comme si nous avions d’autres choix…

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