Chiale, tu pisseras moins !

Il m’a dit : « J’ai oublié, t’es pas fleur bleue… ». 

Non, je ne suis pas fleur bleue, je ne suis pas sensible non plus, je manque d’empathie aussi, parfois. J’aime à me répéter ces inepties depuis tellement longtemps que je m’en suis persuadée. Je suis froide et distante. Je suis morte à l’intérieur. Je n’invente rien, on me l’a déjà dit. En plaisantant bien sûr. Mais quand même. Je crois que ce qui est dit sous couvert d’humour est toujours un peu vrai. Et comme je suis aussi presque morte à l’extérieur, j’ai des fois l’impression d’être la pâle copie d’un être-vivant, une imposture.

Alors j’essaie de me souvenir de moments où j’aurais été sensible, où j’aurais ressenti autre chose que rien. 

Je suis en CP avec Sonia et ses longues nattes blondes et ses grands yeux bleus qui la faisaient ressembler à une suédoise ou à la fille de la pub « Belle des champs ».

Je la revois m’annoncer en crânant que désormais Alexandre ne sera plus mon amoureux mais le sien. Il lui a choisi la tapisserie de sa pochette à dessin. Notre maitresse avait de grands catalogues d’échantillons de papiers-peints avec lesquels on fabriquait des pochettes pour y ranger nos dessins. Je rêvais tellement d’en avoir un de ces catalogues et de découper tous ces jolis motifs.
Je me souviens de l’odeur du papier, de la texture des fleurs ou des rayures et du bruit des longues pages que j’admirais sans pouvoir me décider à choisir. C’était magique.

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