S’enchanter autrement !

J’ai l’impression que l’été vient seulement de se terminer. La brume a envahi Strasbourg et je résiste à l’envie, ou l’habitude peut-être, d’allumer le chauffage. Pour être honnête il est en panne mais je crois que je ne l’aurais pas encore lancé même s‘il était opérationnel. Je m’habitue à enfiler de bons gros chaussons en laine et un pull doux et chaud. Si toutefois je devais ajouter un bonnet, je me déciderai peut-être à lancer les radiateurs mais pour l’instant je ne grelotte pas. Et j’ai la chance de vivre dans un bâtiment prévu pour garder la chaleur. Je me rends compte que le système fonctionne pas mal même si je suis bien incapable de vous expliquer comment. 

C’est déjà la mi-automne et je n’ai rien concrétisé de ce qui devait l’être à la fin de l’été ou pour la rentrée. Je m’en fiche. C’est avec moi-même que j’avais pris ces engagements et comme j’ai décidé de ma lâcher la grappe, tout va bien. Dans le même ordre d’idée je vous confiais en avril dernier m’être officiellement lancée dans l’écriture et ça m’avait foutu les jetons, comme si j’allais être obligée de sortir un livre très vite pour prouver que c’est bien vrai et que je ne suis pas une mytho. Mais là aussi j’ai arrêté de me torturer. Il est presque prêt, faut juste peaufiner un peu ou arrêter de pinailler, sûrement un peu des deux. Mais en tous cas, je tiens le bon bout !

En écrivant beaucoup plus que d’habitude chaque jour, j’ai remarqué que ma vue a baissé. C’est arrivé tout d’un coup, un matin je lisais encore la notice de mes boîtes de médocs et le lendemain pouf, plus rien, à moins de tendre mes bras à un mètre cinquante. C’est déjà compliqué de les tenir levés sans bouger devant mes yeux, s’il faut les tendre en plus, laisse tomber. Je me suis donc décidé à consulter un ophtalmologue et à acheter ma première vraie paire de lunettes. Et j’en avais vraiment besoin ! Quel confort quand je les porte, j’ai l’impression de redécouvrir le monde. Enfin surtout ce qui se trouve à moins de deux mètres car tenez-vous bien, j’ai des verres dégressifs, ils corrigent de près et la correction s’estompe sur le haut. Je me suis dit que le prix serait peut-être dégressif lui aussi mais que nenni. Heureusement j’ai eu une prise en charge généreuse de 0,09€ de la CPAM. Ça fait le même effet que lorsqu’on t’augmente de 3,23€, beaucoup de paperasse pour pas grand chose.

Avec ces lunettes je ressemble à ma mère. Je m’en rends vraiment compte quand on est en visio sur Messenger. Ça me fait bizarre car j’ai toujours pensé que je tenais mes traits de mon père. Je dois me rendre à l’évidence et mes parents étant devenus adeptes des appels en live, je ne peux pas faire autrement. C’est ce confinement qui a mis à la mode ces conneries de coups de fil en visio. Encore mes parents je veux bien, même si je suis couchée ou en vrac je décroche parce que je les aime et que je les connais bien depuis tout ce temps. Mais il y a des gens improbables qui t’appellent en pensant que tu vas lancer ta caméra. Je ne réponds déjà pas à un appel si je ne connais pas la personne depuis au moins 6 mois. Alors un facetime après trois mots échangés, même pas en rêve. Je regrette le bon vieux temps du téléphone fixe.

C’est peut-être pour ça que depuis quelques semaines mes téléphones me lâchent. Le tactile se bloque, le petit trou pour mettre le fil du chargeur s’abime, le mobile s’éteint tout seul et ne veut pas se rallumer. Si j’étais de nature pessimiste je dirais que j’ai la poisse. Mais je pense plutôt que mon ras le bol téléphonique se manifeste dans le réel. Il est peut-être temps de m’enchanter autrement ;-)

Comme par Magie !

J’écris un livre. Je viens le dire ici car j’ai l’impression que cela m’engage personnellement à aller au bout. Non pas que je me sente obligée envers vous. Je ne m’inflige plus ce genre de pression inutile. Non en réalité cela m’engage envers moi-même et surtout envers cette idée qui s’obstine à vouloir que je lui donne vie. Car oui, je crois fermement que les idées sont des entités à part entière qui flottent autour de nous à la recherche d’humains pour les incarner. Et celle qui consiste à écrire une histoire d’accident, de résilience et de liminalité ne me quitte pas depuis ce 22 avril 1995. Je sais que celle-ci m’appartient et que personne d’autre ne pourra la réaliser. Si ce n’était pas le cas, elle ne serait pas encore présente à tambouriner à ma porte 27 ans puis tard. Mais d’autres idées ont tenté leur chance et faute d’attention suffisante de ma part, elles ont trouvé de meilleur-e-s réalisateur-rice-s. 

Fin 2017, alors que je faisais une insomnie, une idée m’est apparue en pleine nuit. Je devais faire de mon expérience personnelle un spectacle humoristique. Prise d’une frénésie incontrôlable, j’ai écrit en trois heures les grandes lignes de ce que je souhaitais partager avec mon futur public. Je m’y voyais déjà et j’avais même réussi à me faire éclater de rire avec mes propres blagues. Je tenais assurément une idée géniale ! Le lendemain j’en ai parlé à une amie qui a trouvé elle aussi que le projet valait la peine d’être creusé. Elle m’a encouragé à m’y mettre et j’y ai pensé quelques jours. Et puis j’ai traversé une période compliquée avec une de mes accompagnantes et j’ai remisé dans la grange de mes innombrables fulgurances cette fantastique idée. 

Heureusement les idées sont plus persévérantes que les humains. Si elles doivent exister, elles chercheront sans relâche une personne pour les faire apparaitre au monde. Et cette idée de spectacle humoristique porté par une femme tétraplégique, qui serait maman, épouse et aurait un sens de l’autodérision à toutes épreuves a sûrement dû effleurer l’esprit de plusieurs nanas qui déchirent avant de trouver preneur. Ou plutôt preneuse. Quelle surprise de découvrir un jour au détour d’une page Facebook le projet de Stef Binon intitulé « One Woman Sit-up Show ». Je n’en revenais pas ! Non pas que cette idée soit si géniale que personne d’autre n’aurait pu l’avoir. Non pas que je sois jalouse ou que j’ai l’impression d’avoir été spoliée. Au contraire ! Cette idée avait un tel appétit de vivre qu’elle avait continué sa quête et avait enfin trouvé quelqu’un à la hauteur de son ambition. Ce n’était sûrement pas la même histoire, les mêmes détails, mais l’idée principale était là, vivante. J’étais ravie et impressionnée par le travail de Stef. Et j’étais enchantée car je venais de toucher du doigt la magie créatrice. 

Bien-sûr à l’époque je n’avais pas analysé cet événement tel que je vous le transmets aujourd’hui. Je ressentais profondément qu’une force supérieure régissait la créativité mais je n’arrivais pas à mettre cette sensation en mots, à élaborer un concept. Et puis j’ai reçu dans un de mes « P’tit Colis » un livre d’Elizabeth Gilbert intitulé « Comme par magie – Vivre sa créativité sans la craindre ». Vous connaissez sûrement cette auteure, elle a écrit le best-seller « Mange, prie, aime » porté à l’écran par Ryan Murphy et interprèté par Julia Roberts. Quand j’ai reçu ce bouquin je me suis dit ouais bof encore un truc new âge qui va m’apprendre à attirer le positif en pensant positif … Et bien que nenni ! C’est dans ces pages que j’ai découvert cette conception de la créativité, du génie logé en chacun d’entre nous et des trésors cachés qui ne demandent qu’à être déterrés. Tout à coup cette idée de spectacle que je n’avais pas pu saisir et qui était allée frapper à une autre porte prenait tout son sens. Comme je suis heureuse qu’elle ait trouvé la bonne personne pour s’épanouir en me laissant l’opportunité d’accueillir d’autres projets. A toutes celles et ceux dont le cerveau foisonne d’idées et qui culpabilisent de ne rien faire, à vous qui pensez que vos idées sont nulles et inutiles, je vous invite vraiment à découvrir ce petit livre, il pourrait changer votre vie !

Pour ma part il m’aura fallu quatre ans pour assimiler ce bouquin et oser parler de cette idée qui m’a échappé. Et en réalité je n’ai compris son message que cette semaine en le relisant plus attentivement. Depuis quelque temps je me suis mise sérieusement à l’écriture, considérant cette activité non plus comme un passe-temps pour nourrir mon blog mais comme un véritable travail auquel je dois m’atteler régulièrement. Le titre de ce livre me revenait sans cesse à l’esprit – Comme par magiiiie, Comme par magiiiiie – et j’ai fini par l’attraper dans ma bibliothèque pour fair taire cette voix agaçante et libérer un peu d’espace entre mes neurones. Et comme j’ai bien fait ! Non seulement Elizabeth Gilbert y évoque la magie et l’obstination des idées à exister mais elle y explique également combien la peur est paralysante et quel courage il faut pour oser l’embarquer avec nous dans notre aventure créative. Alors en voiture Simone, me voilà partie jusqu’au bout de cette idée, décidée à sortir ce bouquin qui sommeille en moi depuis trop longtemps. 

Wahou j’ai osé vous confier que j’écris un livre. Je n’arrive pas encore à me définir comme une écrivaine mais le temps viendra où j’en serai capable, sans nul doute. Un temps où dire sera plus important que taire. Un temps où ma raison aura laissé place à ma passion. Un temps où je ne pourrai faire autrement que de m’éparpiller en mille morceaux.. Un temps où le désordre qui règne en moi deviendra le plus joli des chaos.