R’garde droit devant toi !

Un tout petit message pour partager avec vous un anniversaire vraiment spécial. Il y a 25 ans aujourd’hui, suite à un grave accident de la route, je me suis réveillée dans un corps inconnu, un corps vulnérable, un corps fragile et qui l’est tellement plus encore en ce moment.

Ce corps qui est désormais le mien ne correspond pas aux normes en vigueur, comme tous ceux présents sur le site de l’exposition Elles que j’ai montée il y a quelques années. Certains sont paralysés ou le deviennent progressivement, d’autres se brisent au moindre coup, d’autres encore ont été amputés ou ont perdu un de leurs 5 sens.

Lorsque l’idée de cette exposition a germé en moi, il s’agissait d’une confrontation. Je voulais affronter mon image, comprendre ces regards posés sur moi à longueur de temps et qui me faisaient me sentir si mal. Le public est venu, a admiré la qualité de notre travail, a prononcé des phrases telles que «quel courage !», «vous êtes admirables» ou «c’est une leçon de vie». Quelques un-e-s bien sûr ont eu les mots justes.

Je ne suis pas plus courageuse que toutes les autres femmes et je ne mérite pas plus d’admiration. Je ne veux donner de leçon à personne, je vis comme chacun-e, avec les difficultés qui sont les miennes et je m’en accommode très bien.

Mais le public n’a pas tout à fait tort. Là où réside mon courage et où je suis admirable c’est lorsque chaque jour je me mesure aux obstacles d’une société non adaptée à mes particularités. Lorsque ce trottoir est trop haut, trop étroit ou que celui là y est garé et qu’il en a pour 2 minutes. Lorsque je ne peux pas me faire soigner en ville chez le praticien de mon choix et que ma seule alternative est l’hôpital. Lorsqu’aucun matériel médical n’a été pensé pour réaliser mes examens, qu’ils soient dentaires, obstétriques ou tout autre domaine. Et surtout, surtout, lorsqu’en cette période extrêmement difficile, je sais que plus qu’à l’ordinaire, les soins des plus dépendantes d’entre nous dépendront du flux des patients et de la priorité qui leur seront donnée.

Et parce qu’il faut bien qu’il y ait une justice, parce que parfois l’arroseur se fait arrosé et parce qu’il est essentiel de garder le sourire je vous partage cette anecdote qui m’est réellement arrivée, mise en image par la talentueuse Camille Ruzé. Prenez soin de vous.