Le pont des souvenirs

Je voudrais écrire un article pour mon anniversaire. J’y pense depuis plusieurs jours. Je tente quelques mots, quelques idées. Mais rien ne vient. Je réfléchis à ce que j’aimerais aborder comme sujet, à ce qui me tient à cœur de partager avec vous et c’est le néant total, le vide intersidéral. 

Se bousculent pourtant dans ma tête tout un tas de trucs : le mot sobriété, le nom d’Elon Musk, une rengaine qui me répète de revenir à l’essentiel, les jolies images de ce weekend qui sont déjà des souvenirs, des chansons tristes, les perséides que j’ai encore loupées cette année. Je me demande aussi qui s’est réincarné dans le corps de Maggy, ma Nouchette, ma petite minette si expressive et si attachante. Elle a su prendre le relais de ma Gigi de façon très délicate et tellement rigolote. Sa présence est un vrai bonheur même si elle a bousillé le canapé et semble être une fétichiste des culottes. 

Je vais avoir 44 ans demain. Je n’ai pas de problème avec mon âge, avec le fait de vieillir. J’observe avec une certaine curiosité mes rides apparaître et côtoyer mes éternels boutons d’acnés. J’aime mes cheveux argentés. Il me tarde même que le gris disparaisse totalement et qu’il ne reste plus que le blanc immaculé. Les petites tâches qui s’invitent sur mes mains ne me dérangent pas. Le temps qui passe n’est pas mon ennemi et j’essaye d’en savourer chaque étape. Je suis heureuse d’être capable d’offrir au monde mon vrai visage, sans fards ni retouches. J’ai déjà tant à accepter de ce corps abimé, devoir souffrir de vieillir serait un peu trop à porter pour une seule femme. 

J’aurai 44 ans demain et comme à chacun de mes anniversaires je deviens plus nostalgique qu’à l’accoutumée. Cette année l’époque a changé. Ma mémoire m’emmène sur un pont qui relie deux villages. Un pont de pierres qu’on ne peut fouler qu’à pieds. Un pont sur lequel on s’assoit, duquel on saute dans une rivière, sous lequel on se cache des regards indiscrets. Si je pouvais lui parler à ce pont, j’aurais tant de question à lui poser :

– Reste-t ’il un peu de moi sur ta margelle usée par les rivets de mes jeans ?

– L’écho de mes secrets chuchotés est-il toujours audible à qui sait entendre ? 

– Qui réchauffe tes entrailles gelées désormais ? 

Ce pont pourrait raconter beaucoup de mes histoires, de mes premières baignades à mes premiers baisers, de mes premières cigarettes à mes premiers chagrins. Il sait que j’avais trop peur pour sauter dans l’eau et que j’avais un peu honte d’être une trouillarde. Mais oser dire non au groupe d’ados qui se moquaient de moi était aussi la preuve d’un sacré courage. Il est surement un peu fier de moi. 

Je l’ai emprunté si souvent qu’il m’a manqué lorsque j’ai dû partir. Penser à lui me donne envie d’y retourner, de caresser et peut-être même coller mon oreille sur une de ses grosses pierres, la plus claire, celle où j’aimais m’asseoir, persuadée qu’elle était spéciale, peut-être même magique. On en aurait des choses à se raconter elle et moi. Comme deux amies qui ne se sont pas vues depuis 30 ans mais qui auraient l’impression de s’être quittées hier.

Et vous ? Y-a-t-il un endroit bien spécial qui sait des choses de vous que personne d’autre ne connait ? Des secrets ? Avez-vous envie d’y retourner ? 

Je n’ai toujours pas d’article pour demain mais j’ai celui-ci pour aujourd’hui. Quoi de mieux que de vivre l’instant présent ? Et si demain je n’ai rien à poster c’est qu’il n’y avait rien dire. Parfois le silence vaut mieux que milles mots :-)