TDoR* 2022

J’aurais aimé écrire un texte beau, touchant, militant et source de réflexion sur ce jour qui commémore les personnes transgenres mortes de manière directe ou indirecte par la transphobie (assassinées, suicidées ou décédées d’overdose). Parce que c’est inimaginable qu’on puisse encore mourir d’être soi . Remarquez on crève bien d’être noir, femme ou homosexuel …

Il y a trois ans, je ne savais pas que cette journée du souvenir trans existait. Je n’étais pas assez sensibilisée. Pas touchée de près. Le sujet commençait à peine à être médiatisé. Aujourd’hui c’est un phénomène de mode. Les médias font le buzz et les extrémistes de tout poils en font le lisier qu’ils déversent ensuite partout où ils le peuvent. À tel point que j’entends régulièrement « qu’on ne voit plus que ça ! ».

Ça ? C’est quoi ça ? C’est qui ça ? 

Je me demande qui sont ces gens qui se sentent menacés par une poignée, que dis-je, une pincée de personnes transgenres ? Lesquelles de leurs valeurs sont bafouées pour que leur but devienne de faire taire ou pire, de faire disparaître les personnes trans ? Ont-elles d’ailleurs jamais rencontré un homme ou une femme transgenre ? 

Si je m’exprime sur ce sujet c’est que, vous vous en doutez, il me préoccupe. Comme je l’ai dit l’an dernier, un jour j’écrirai une histoire de genre. J’ai l’espoir chevillé au corps qu’elle se termine par une fin lumineuse. Car malheureusement ce n’est pas toujours le cas.

Une histoire de genre, une vraie, vécue de l’intérieur, ce n’est pas comme regarder un témoignage sur les réseaux ou à la télévision. On ne peut pas couper les écrans et passer à autre chose. C’est toujours là. Qu’on soit d’accord ou pas. D’ailleurs on n’a pas à donner son avis ou son aval. On a juste à accompagner, soutenir, avec le peu qu’on comprend et tout l’amour qu’on a.

La transidentité existe. Pas depuis un an, dix ans ou cent ans. Depuis toujours. L’époque que nous vivons permet aux personnes transgenres de vivre un peu plus au grand jour, d’exprimer un peu plus ce qu’elles vivent, ce dont elles ont besoin, ce à quoi elles rêvent et aspirent. De trouver leur place au sein de la communauté humaine. Tiens ça me rappelle quelque chose, cette interminable quête d’une place où on se sentirait accepté, accueilli, aimé avec toutes nos singularités. Un endroit safe. Oui j’ose le parallèle entre handicap et transidentité, deux états d’être qui ne correspondent pas aux normes. Fuck les normes, fuck les étriqué.e.s du bulbes et les coeurs asséchés.

Ces dernières semaines on a pu assister à des reportages ou des débats sur le sujet. je vous l’ai dit, c’est un sujet à la mode. Des émissions grand public ont traité de la transidentité avec, on peut le dire, une certaine maladresse. M6 et Karine Lemarchand dans l’émission « Trans, unique en leur genre1 » ont été largement critiquées et l’ARCOM2 a été saisi à plusieurs reprises. France 2 et Léa Salamé qui présente l’émission « Quelle époque ! » dans laquelle a eu lieu un débat sur le sujet le 22 octobre dernier3 et qui a choqué beaucoup de personnes La présentatrice a présenté ses excuses après le tollé qu’a levée la séquence. Émettre un avis, se revendiquer contre la transidentité, ça revient à se positionner sur la légitimité d’exister de ces personnes. Depuis quand décidons-nous pour les autres de ce qu’ils doivent être ou vivre ? Et si toutefois on se sent autorisé a émettre un avis, à dénigrer, nier l’existence de ces personnes, on est transphobe, comme l’est la jeune femme sur ce plateau même si elle s’en défend. Et le transphobie n’est pas une opinion, c’est un délit4

Je ne me lancerai pas dans une explication approfondie de ce qu’est la transidentité, de la différence entre orientation sexuelle, identité sexuelle et identité de genre. J’en serais bien incapable. Mais comme pour mon handicap, parce que je le vis au quotidien, je me sens légitime d’en parler et de défendre ces personnes contre la haine et le rejet qu’elles subissent. Il n’y a pas de vies qui valent moins qu’une autre. Rien ne justifie le harcèlement, les injures, le déni, les coups et les meurtres. Et l’argument selon lequel « on a peur de ce qu’on ne connaît pas », largement utilisé pour le racisme, l’homophobie ou l’handiphobie (oui ça existe même si mon correcteur souligne le terme) commence à être suranné.L’information est partout, tout le temps, il suffit de vouloir s’intéresser à un sujet pour mieux le comprendre et ne plus en avoir peur.

J’ose espérer que comme les défilés organisés hier partout en France contre les violences faites aux femmes, le TDoR et ses manifestations seront très vite inutiles et jetés aux oubliettes. Heureusement il nous est encore permis de rêver !

*TDoR : TransDay of Remembrance
1 : L’émission n’est plus en ligne mais vous trouverez beaucoup d’articles en ligne sur le sujet.
2 : Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ancien CSA)
3 : Emission à revoir ici : France 2 replay
4 : C’est pas moi mais le gouvernement qui le dit ICI

Isolé.e dans un corps presqu’île …

Ailleurs et plus tard j’écrirai une histoire de genre.

Ici et aujourd’hui je souhaite simplement apporter mon soutien à ce jour qui me tient particulièrement à coeur. Depuis 1999 aux États-Unis et 2003 en France, le 20 novembre est la journée du souvenir trans, adaptation française du  Transgender Day of Remembrance (TDoR), instauré en mémoire de Rita Hester, femme trans assassinée à son domicile par transphobie.

En France et ailleurs dans le monde, des commémorations où sont lus les noms des victimes de l’année écoulée sont organisées. La transphobie tue. Par des agressions ou des meurtres. Mais plus indirectement par la cohorte d’autres violences qu’elles engendre : racisme, sexisme, difficultés d’accès au soin, harcèlement, humiliations, rejet … qui poussent les personnes transgenres à l’isolement et dans de trop nombreux cas au suicide.

Ailleurs et plus tard j’écrirai une histoire de genre. Parce que raconter c’est exister, c’est pour de vrai.

Ici et maintenant je vous partage celle de Skip Pardee. En espérant qu’elle vous touchera autant qu’elle a pu me bouleverser.