Coming out !

J’ai été une bonne élève. Une très bonne élève même. Ca n’a pas duré. À mon arrivée au collège je n’ai plus jamais eu envie de travailler à l’école. Je trouvais le temps long, je m’ennuyais. Les cours n’avaient pas de sens pour moi, on me demandait d’ingurgiter tout un tas de connaissances, puis de les régurgiter à un moment précis sans jamais m’expliquer pourquoi. De tête de classe au premier trimestre de 6ème j’ai terminé laborieusement ma 3ème juste au-dessus de la moyenne.

Sur mes bulletins toujours la même rengaine : « Quel dommage tu as tant de possibilités » – « Amélie n’exploite pas son potentiel » – « Travaille seulement quand ça l’intéresse » – « Eleve pertinente à l’oral mais aucun travail à l’écrit ». Moi je trouvais ça pas mal comme appréciations, j’étais potentiellement une bonne élève. Fainéante, pas impliquée, procrastinatrice, mais presque bonne élève. Bizarrement mon avis ne faisait pas l’unanimité et personne ne semblait satisfait de mes résultats. 

Au grand désespoir de mes parents et de mes professeurs, j’ai demandé à être orientée en filière professionnelle au lycée. J’en avais assez de la théorie, je voulais du concret. Mais ce fameux potentiel que je n’exploitais pas, et que je ne comptais absolument pas exploité, m’a valu une inscription malgré moi en seconde générale, parce que sinon vous comprenez ça aurait été du gâchis. Je ne sais pas quel espoir ils avaient tous fondé sur moi mais cette année de lycée fut une catastrophe. Entre les résultats médiocres et les absences répétées, j’ai été invitée à remettre le couvert pour une seconde seconde. Dans un film, c’est à ce moment là que j’aurais dû avoir un déclic, reprendre mes études en main et devenir une élève brillante, le tout à coup de sueur et de larmes, au rythme d’une musique inspirante. Mais on n’est pas au cinéma, ou alors c’est un drame psychologique, et bien évidemment j’ai complètement foiré cette deuxième année, que je n’ai d’ailleurs pas terminée pour cause d’accident de la route, ce qui a au moins eu le mérite de couper court pour quelques temps à mon problème d’orientation scolaire. 

Néanmoins le sujet est rapidement revenu sur le tapis après que j’ai vaillamment repris quelques forces. Il a d’abord été question de cours par correspondance, puis de retourner au lycée (en étant transportée en ambulance, c’était hors de question, j’avais une réputation de bad girl à entretenir et m’imaginer arriver allongée sur un brancard était juste impossible). Finalement j’ai opté pour un centre de rééducation fonctionnelle qui proposait de reprendre ses études au sein même de l’établissement. C’était un mini-lycée où se côtoyaient les patients et quelques jeunes des villages voisins. J’ai donc repris les cours, là encore sans faire d’étincelles, réussissant par je ne sais quel miracle à obtenir mon bac avec mention. Un véritable hold-up ou un énorme coup de chance vu mon investissement plus que nul dans les cours et les révisions. La suite se passe de commentaires, deux années de fac d’histoire de l’art en mode fantôme et une tentative de formation multimédia avortée (à lire ici pour les plus curieux-ses). 

Bilan : j’ai raté mes études. 

En septembre 2020 Vie N*1 a commencé sa dernière année de collège. Son parcours ressemble au mien. Encore cette histoire de potentiel inexploité. J’en suis arrivée à la conclusion que les chiens ne font pas des chats et que comme sa maman, il s’agissait de fainéantise, d’un manque d’implication et d’une fâcheuse tendance à la procrastination. Et puis d’autres facteurs sont à prendre en compte dont je parlerai peut-être bientôt avec son accord. En toute discrétion ma première Vie rentrera au lycée en septembre.

Vie N*2 quant à elle est entrée en 6ème de manière beaucoup moins discrète à la rentrée 2020. Son primaire s’était plutôt bien passé, elle a quelques facilités même si elle est plutôt vive (pour ne pas dire agitée) et je ne me faisais pas vraiment de souci pour le collège. J’aurais peut-être dû. Je pense avoir eu dans son carnet une cinquantaine de mots, dont 30 de son professeur de maths. Mon petit chaton un tantinet caractériel s’est transformé en tigresse incontrôlable, indisciplinée et insolente. Même à la maison elle était toutes griffes dehors à bousiller les meubles et grimper au rideau. Chucky sort de ce corps ! Que s’était-il passé entre août et septembre ? Je n’y comprenais rien. Et n’y rien comprendre n’était pas une option pour moi. 

Je vous passe les détails de mes recherches et investigations, des bilans psy, des discussions interminables, des nuits blanches, des cris, des pleurs, des tentatives de punitions par la douceur et par la force. Rien n’y a fait. Jusqu’au dernier jour de cette longue et pénible année scolaire, j’ai eu des mots et des appels du collège. Vie N*2 devait se contrôler, elle devait rester assise, elle devait être attentive, elle devait être silencieuse, elle devait ingurgiter et régurgiter ce qu’on lui donnait à apprendre sans ciller. À aucun moment on ne m’a demandé ce qu’on pouvait faire pour elle. Elle devait plier, s’adapter, se conformer. Elle était mal élevée et manquait d’un cadre. C’était comme ça et pas autrement. Sauf que faire autrement, tester d’autres options c’est mon passe-temps favoris. Vie N*2 entrera en 5ème dans un collège alternatif dont je vous parlerai sans aucun doute, où les méthodes s’adaptent aux élèves et où personne ne doit plier et rester assis sans bouger pendant 7 heures.

Vous allez me dire que mon histoire est bien sympa mais dans mon dernier billet je vous avais promis du lourd, quel rapport avec le titre Coming Out ? J’y viens … 

Je crois fermement que chaque épreuve traversée nous est nécessaire. Ces expériences inconfortables nous permettent d’avancer sur notre chemin de vie, d’en tirer des leçons, de ne pas répéter les mêmes erreurs encore et encore. Et nos enfants sont nos meilleurs enseignants. Nous avons tant à apprendre d’eux si nous acceptons de jouer le jeu et de faire preuve d’un peu d’humilité.

Vie N*2 a réveillé chez moi des sentiments pas très sympas à vivre comme la colère, la frustration et l’impuissance. Elle m’a mise devant mes contradictions éducatives, face à mon inconstance et à mon manque d’autorité. Elle m’a poussée à (re)prendre ma place, place que je n’ai pas encore vraiment trouvée mais je sens que je n’en suis plus très loin. Elle m’a obligée à me faire confiance, à croire en mes idées et mon intuition. Et sans le vouloir elle m’a aidé aussi à découvrir une partie de moi-même dont j’ignorais tout. 

Lorsque j’ai cherché sur internet « Les Gremlins sont-ils inspirés par de réels pré-ados ? » ou « Existe-t-il un sort vaudou pour faire tenir un enfant assis sur une chaise plus de cinq minutes ? », je suis tombée presque systématiquement sur des sites qui traitaient des troubles de l’attention (TDA – TDAH) et/ou du haut-potentiel intellectuel (HPI). J’en avais vaguement entendu parler et j’ai commencé à m’y intéresser. C’est là que les pièces du puzzle se sont mises en place. Je ne donnerai pas de détails ici à propos de mes enfants car ils n’aimeraient pas que j’en parle.

En réalité ce coming-out est le mien. C’est un coming-out particulier. Plus je lisais d’études, de témoignages, plus je regardais de vidéo, plus j’avançais et plus j’avais l’impression de me reconnaitre (ça fait beaucoup de plus en une seule phrase non ?). La description de ces personnes au fonctionnement cérébral particulier me correspondait à 95%. Et les tests sont venus le confirmer. Point de TDA avec ou sans H mais un HPI bien réel. Je suis un zèbre, une adulte surdouée qui a été une enfant précoce. J’en ai chialé. Puis j’ai été dans le déni. Puis j’ai chialé. Puis j’ai pensé que c’était une erreur et j’ai demandé à la psy de vérifier. Puis j’ai chialé; oui j’ai beaucoup chialé. J’ai ensuite ressenti un immense soulagement, tout comme Rubis, Edith, Solange et Plume, les 4 voix qui squattent ma tête et qui dans un long soupir m’ont lancé en choeur : « Bordel tu n’es finalement pas cinglée ! ». Et puis j’ai été en colère. Quel gâchis !

Apprendre à 42 ans qu’on n’est pas fainéante, idiote ou inadaptée est une sacrée secousse – « Madame vous avez une voiture de course dans le garage et vous vous en servez comme d’une voiture sans permis! »(d’ailleurs on en parle ou pas de ces conducteurs sans permis ? Ah c’est pas le moment ? Non parce que c’est un fléau quand même … Oui bon ok je me tais mais j’y reviendrai !).

Et maintenant ? Qu’est ce que j’allais faire de cette information ? D’abord apprendre, ensuite comprendre. J’ai appris qu’il y a un facteur héréditaire et j’ai ainsi repéré au moins 3 zèbres chez mes ascendants directs. J’ai appris que contrairement aux idées reçues on n’est pas forcément le premier de cordée, qu’on peut être totalement hors des clous, qu’il peut être difficile de nouer des liens et qu’on peut se sentir idiot, pas à sa place (encore) et jamais suffisant. Une des caractéristiques du HPI est son insatiable curiosité et un cerveau qui ne s’arrête jamais. Je sais combien je peux souler à toujours aller vérifier une définition, une date, un événement sur mon smartphone. Combien de fois on m’a dit d’arrêter de jouer à la maitresse d’école en voulant corriger les fautes, d’être une Madame « Je sais tout » alors que moi je désespère d’en savoir tellement peu, d’être incomprise lorsque j’explique que j’aimerais mettre mes pensées sur off, ne plus cogiter à 3 heures du matin et pouvoir regarder un film sans que cela ne me donnes 50 idées différentes, de la décoration de mon salon à reprendre des études de droit. Je ne vais pas vous faire la liste de particularités du haut potentiel, ce n’est pas le sujet, mais vous avez compris l’idée.

Une fois la stupeur et la sidération passées, une fois qu’on a lu, écouté et regardé à peu près tout ce qui se fait sur le sujet, il faut bien avancer. C’est quand même pas un handicap ce truc, je suis déjà servie de ce côté là, merci mais non merci j’ai pris ma part. J’ai eu besoin de me confier mais en parler autour de moi s’est avéré souvent un échec cuisant : « oui ok c’est bien joli mais ça n’excuse pas tout »« t’es certaine de ton truc ? tu sais les psys pour te faire revenir en consultations ils en rajoutent » – « c’est une mode ce truc, une excuse pour rien branler » – « ah mais moi aussi je crois que je suis comme ça, j’ai fais un test sur internet je suis presque comme Einstein » – « oui bah ça n’empêche pas que des fois t’es un peu conne ». Je me sentais déjà à coté de la plaque avant, c’était finalement pire de savoir et de le dire. J’ai arrêté d’en parlé et j’ai agis.

En mars dernier j’ai lu sur un groupe Facebook le commentaire d’une nana qui proposait un accompagnement spécifique. Son message : je vais vous aider à vous aimer et à rayonner. Bingo ! Je suis partie 3 mois en voyage avec Virginie Dexet et tout ce que je peux vous dire c’est que je n’ai pas regretté une seconde d’avoir embarquée à ses côtés. Ça a secoué, ça a parfois carrément tangué mais bordel ça m’a fait prendre conscience de tellement choses ! Je pensais être nulle, faible, même carrément cinglée à toujours ressasser les mêmes rengaines sans réussir à m’en dépêtrer. Je ne m’accordais que peu de valeur comparée à celle dont je créditais les autres. Je vivais à ce moment là en esclave du jugement d’autrui et enlisée dans un système limitant dont j’avais conscience mais dont je ne savais pas comment me sortir.

Apprendre ma « zébritude » et surtout l’apprivoiser me donne aujourd’hui le courage d’en parler. Il ne s’agit pas de me mettre une nouvelle étiquette sur le front ou d’exposer une quelconque supériorité intellectuelle. Ce n’est tellement pas ça dont il est question. Il s’agit en réalité de continuer mon chemin d’authenticité et de liberté. Je suis plus que jamais persuadée que la parole authentique libère. Elle libère tout autant celui qui la livre que celui qui la reçoit. L’expérience de l’un facilite celle de l’autre lorsqu’elle partagée en toute honnêteté, sans peur de se mettre à nu, d’être vulnérable.

Par ce billet j’ouvre une nouvelle voie pour ce blog, une nouvelle piste à explorer, d’autres personnes à toucher et à rencontrer. J’en profite pour remercier Virginie de son accompagnement et de l’amitié sincère qui se noue entre elle et moi. Et pour vous qui attendiez un coming-out plus croustillant, je vous invite à écouter ce podcast qui explique exactement pourquoi celui là je ne le ferai jamais ;)