Nous transportons le monde au fond de nous même !

Je ne crois pas avoir déjà évoqué dans mes précédents billets le projet de mon déménagement. Il trotte dans ma tête depuis très longtemps, plusieurs années à vrai dire et même bien avant mon divorce. J’ai enfin trouver le courage de le concrétiser. Le déclic a eu lieu en septembre dernier. Je travaillais sur un groupe d’accès à la culture pour APF France Handicap et en découvrant le programme de la saison culturelle sur Besançon je me suis rendue compte que je passais à côté de nombreux événements intéressants. Et non seulement moi mais mes deux lionnes également. Car pour l’instant aller au cinéma ou décider de prendre un verre en terrasse nous demande une certaine organisation qui bien souvent me décourage. Je rêve de spontanéité.

Cela n’engage que moi mais je crois qu’avec ex-chéri-Coco nous avons eu au début de notre relation et pour des raisons totalement différentes besoin de nous isoler. C’était inconscient bien entendu mais nous avons réuni les conditions nécessaires à cette solitude en duo sans nous en rendre compte. Nous avons acheté une ferme comtoise rassurante aux murs épais. À l’abri de cette vieille bâtisse nous nous sentions en sécurité. Nous avons adopté plusieurs chiens pour le bien-être desquels nous avons écourté des journées en famille ou des soirées entre amis. Nous sortions rarement. Nous recevions encore plus rarement. C’était lui et moi contre le reste du monde. Et même si je ne regrette pas cette période, même si je pense qu’elle était nécessaire, il y a un moment où c’est devenu compliqué.

La ferme rassurante et sécurisante est devenue oppressante, froide et sombre. À chaque fois que nous rentrions d’une sortie j’avais le sentiment de retourner dans une grotte. Les lionnes sont arrivées et il a fallut nous ouvrir vers l’extérieur. Nous avons alors bâti la maison dans laquelle je vis toujours, construite pour me rendre la vie facile, avec de l’espace pour nos quatre-pattes, dans un petit village éloigné des ‘grandes’ villes. Un vrai décor de carte postale, on aurait pu nous décliner en playmobils.

Neuf ans plus tard il ne reste que deux chiens miniatures, je vis seule et je ne conduis pas. Le moindre déplacement demande de l’organisation, des moyens humains et  financiers. Il est grand temps de retrouver un minimum d’autonomie et de spontanéité. Ce sont les principales raisons de notre déménagement.

Une autre raison est venue s’ajouter à la pile ces derniers temps et je la pensais vraiment très bonne. L’envie de recommencer à zéro. Qui n’a jamais eu ce désir ? Vivre dans un endroit où personne ne sait rien de ton passé.  Personne pour te parler de ‘avant’. Avant ton accident. Avant ton divorce. Avant telle ou telle connerie. J’en rêvais. Comme si changer de lieu pouvait tout effacer et remettre le compteur à zéro. Ce serait trop facile.

Là où tu vas, tu es !

Déménager, changer de nom, tout plaquer. Cela ne sert à rien. Tu restes la même personne où que tu sois.  Si tu ne décides pas de changer tu pourras courir le monde, tu vivras toujours les mêmes choses, tu réagiras toujours de la même façon et au final tu voudras partir plus loin. J’ai compris ça en lisant un tout petit conte qui en substance raconte ceci :

« Un vieux sage appuyé contre la margelle d’un puit situé à l’entrée d’une ville observait les allées et venues des passants. Dans la journée deux hommes le saluèrent et lui posèrent la même question : ‘Comment sont les gens ici ?’. Le premier était un jeune homme accompagné de son âne, venant d’un village éloigné et que le père avait envoyé faire du commerce en ville. Le second était un homme plus âgé menant une lourde carriole tiré par deux chevaux et qui souhaitait refaire sa vie. À chacun le vieil homme posa la même question en guise de réponse : ‘Comment étaient les gens chez toi ?’. Le jeune marchand expliqua que dans son joli village les habitants étaient gentils et qu’il y comptait beaucoup d’amis. Le vieux sage lui répondit alors que c’était pareil ici, qu’il allait se plaire et lui souhaita la bienvenue. Le second voyageur quant à lui, se plaignit des mauvaises personnes qui peuplaient l’endroit où il vivait, et combien elles étaient méchantes et lui voulaient du mal. Le sage lui déconseilla alors de s’installer en lui chuchotant que les gens d’ici n’étaient guère plus aimables et qu’il valait mieux qu’il aille chercher ailleurs la vie dont il rêvait. Déçu l’homme s’éloigna en grommelant. Un gamin qui avait tout entendu s’approcha du vieux sage et l’interrogea sur la raison pour laquelle il avait répondu différemment aux deux hommes. Ce dernier répondit : ‘C’est très simple mon enfant, nous transportons le monde au fond de nous-même’. 

Cette petite histoire paraît simple mais elle est pourtant riche d’enseignements et pour ma part elle m’accompagne chaque jour dans mon projet. Déménager oui mais garder à l’esprit que je reste la même, avec mes qualités et mes défauts, mes failles qui me font sans cesse répéter les mêmes erreurs et surtout que j’emporte avec moi mes presque quarante années d’aventures que je ne peux pas effacer. D’ailleurs je ne le veux pas. Et puis ce passé qu’on aimerait parfois gommer se rappelle à nous régulièrement, nous remet face à nos manquements, nous oblige à nous remettre en question. Alors autant faire avec plutôt que de lutter contre …

porte

Initialement mon déménagement était prévu pour Besançon car j’y ai toutes mes activités associatives et beaucoup d’ami.e.s. Puis Belfort pour des raisons grave merdiques. Puis (re) Besançon. Puis Biarritz quand j’en ai eu ras le bol de tout et de tout le monde (ça va Éric je plaisante). Puis (re)(re) Besançon. Oui je suis une girouette et je le vis très bien merci. Et finalement on va où ??? À Strasbourg !!! Ah ah vous ne l’attendiez pas celle là (et surtout pas toi Éric). Notre petit trio migre vers le nord et va s’installer à la super grande ville ! Oui ok c’est pas Paris mais quand même ! Je vais pouvoir souffler grâce à un mode de garde plus équilibré et mes lionnes vont retrouver avec bonheur leur papa et leur petite soeur. Je ne manquerai pas de vous conter mes aventures car évidemment ça s’annonce corsé, entre le manque d’accessibilité des appartements et les déboires administratifs, ça promet d’être passionnant. Parfois je me dis que ma vie serait bien monotone sans ce foutu handicap. On se console comme on peut !

8 réflexions sur « Nous transportons le monde au fond de nous même ! »

  1. Et j’ajoute que j’aime beaucoup la petite histoire et la réflexion que tu en tires. J’y vois autre chose aussi. On porte le monde à l’intérieur de soi parce que le monde qui nous entoure dépend du regard qu’on porte sur lui. Si on veut trouver des gens sympathiques et des amis on les trouve, si on s’attend à trouver que des gens embêtants on les trouvera aussi. (ça rejoint ce que tu dis mais dit différemment ;) )

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