La vieille fille et son chat

Puisque c’est la période des bilans annuels, je me penche sérieusement sur mon cas depuis quelques jours. Non pas que je me trouve fascinante au point de ne m’intéresser qu’à moi-même, mais plutôt dans une perspective constante d’amélioration personnelle. Et si je devais émettre un premier constat à mon sujet, ce serait le suivant : j’ai l’impression que les gens me trouvent ennuyante. Je dis bien que c’est une impression car je n’ai pas encore interrogé la totalité de mon panel ni terminé l’analyse des situations répertoriées. Mais tout de même, ça sent la naphtaline à plein nez. 

Il y a quelques années, alors fraichement divorcée, je prenais un malin plaisir à m’installer là où on ne m’attendait pas. Seule, handicapée et en charge de deux enfants en bas-âge, je n’avais pas le profil de la desperate housewife des séries TV. Et pourtant, c’est moi qui organisais des après-midis « Girly » auxquels je conviais les copines de mon village autour d’un café et d’une bonne bouteille de vin. Il m’était parfois compliqué de rouler droit en allant chercher mes vies à l’arrêt de bus à 16h30. Puis j’attendais patiemment 18:30, horaire qui me semblait convenable pour démarrer l’apéro et demander à mes accompagnantes de me servir un verre de rosé, voire deux ou trois, sous prétexte de me détendre de ma rude journée. Je pense que les ventes de Cabernet d’Anjou ne se sont jamais aussi bien portées qu’en 2015. 

À cette époque, qui me paraît tellement lointaine , je pouvais encore tenir des journées et des nuits entières assise dans mon fauteuil. Je sortais et recevais souvent. Je découvrais les applications de rencontre avec beaucoup d’enthousiasme. J’avais quelques douleurs de dos tout à fait tolérables et une certaine endurance. Je pouvais boire ce que je voulais, dormir à peine quelques heures et être fraîche comme un gardon le lendemain. 

Mais ce temps est révolu. Mes journées se sont drastiquement raccourcies et je n’attends plus 18h30 pour picoler mais pour enfin m’allonger. Mon dos n’est plus qu’une douleur permanente et je suis de mauvais poil si je ne dors pas au moins 7 heures. Je bois très peu et seulement pour goûter un bon vin ou un rhum sympathique. J’ai ressenti un soulagement inattendu lorsque j’ai viré Meetic, Tinder et compagnie. Et pour couronner le tout j’ai adopté un chat avec lequel j’entretiens une profonde relation. Si j’écoute la majorité des gens, je suis en train de tourner vieille fille à chats. Et si c’est vraiment le cas, où est le problème ?

Lorsque je refuse un verre de vin on me dit que c’est une petite pause, que ça arrive à tout le monde. Lorsque j’explique être en couple avec moi-même et ne pas attendre / avoir besoin de quelqu’un en ce moment, on me rassure par un ça viendra ne t’inquiète pas ! Merci de toute cette sollicitude mais je ne m’en fais pas. C’est même tout le contraire. Je n’étais pas plus heureuse il y a 7 ans. C’était simplement différent. Et si cet état parait ennuyant alors tant-pis. Je veux bien être barbante si en échange je peux vivre cette période de ma vie en toute quiétude. Et je refuse d’être réduite (encore) à ma situation par des diktats absurdes. Me voilà fièrement sobre, casanière, célibataire et abstinente. Pas besoin de terminer mon enquête, le bilan est fait !

C’est ainsi que se termine ce quinzième jour de mon calendrier. Je vous souhaite une belle journée et j’espère vous retrouver demain pour ouvrir la porte N°16 :-)