8 mars

Ne me souhaitez pas bonne fête. Aujourd’hui 8 mars, nous ne fêtons pas les femmes. Bouffez vos bouquets et vos mots doux. Remballez vos publicités totalement hors de propos, qui veulent nous faire consommer, acheter, vider nos poches et remplir nos intérieurs de gadgets inutiles. Cette journée ne fête pas les femmes. Elle souligne, rappelle, hurle et pleure aussi l’immense chantier que sont les droits bafoués, ignorés, piétinés des femmes d’ici ou d’ailleurs.

Chacune prêche pour sa paroisse et je ne vais pas déroger à la règle. Mais peut-être suis-je une des plus légitimes à revendiquer des droits qu’on s’entête à nous refuser. Des droits dont nos soeurs jouissent depuis bien longtemps. Des droits essentiels. Des droits qui n’en sont plus tant ils sont rentrés dans l’ordinaire. Cet ordinaire qui nous échappe. Cet ordinaire dont nous sommes exclues.

Selon une étude réalisée en 2017(1), 58% des femmes handicapées n’ont pas de suivi gynécologique. Oui vous avez bien lu. Une femme handicapée sur deux. Pourquoi ? D’abord du pratico-pratique : les cabinets ne sont pas accessibles, le matériel n’est pas adapté, les professionnels ne sont pas formés. Ensuite du plus subtil : le corps des femmes handicapées est si peu considéré, si peu valorisé, que beaucoup d’entre-nous ne voient pas l’utilité de consulter ou n’ont pas le courage de s’exposer. Cela n’empêche pas les femmes handicapées d’être plus souvent agressées sexuellement que leurs soeurs valides. Et ça arrive partout et surtout dans un contexte familial ou institutionnel. Paradoxal non ? Tu n’es pas bonne à séduire, à aimer mais tu es bonne à agresser, à violer.

J’ai voulu à plusieurs reprises rejoindre les luttes féministes. Je me suis rendu compte qu’il n’y a pas de place pour les corps, les esprits ou les sens altérés danse ce milieu. J’ai tenté alors de rejoindre les luttes des personnes handicapées. Là il n’y a pas de place pour le genre. Rien n’existe pour il, elle ou iel. Le handicap assexualise. Tu deviens seulement une personne. Rien d’autre.

Une association existe, « Femme pour le Dire, Femme pour Agir ». Mais je ne me reconnais pas dans plusieurs de ses positions, en particulier celle concernant la prostitution et de fait, l’accompagnement sexuel. Mais je m’égare …

Ne me souhaitez pas bonne fête. Souhaitez moi plutôt de réussir à informer, sensibiliser, former, transmettre les difficultés de celles qui se reconnaissent dans mes propos. Je ne suis la porte-parole que de celles-là. Un livre et une entreprise sont en gestation. L’accouchement s’avère plus difficiles que prévu. En attendant je vous partage ce que j’ai réussi à créer avec d’autres. Une belle association(2) portée par de merveilleuses énergies. Parce que seule on va plus vite mais toutes ensemble nous irons plus loin.

1 : https://www.iledefrance.ars.sante.fr/system/files/2019-08/handi-gyneco-poster-etude.pdf
2 : https://acorpsdesoi.com

Prendre le risque de l’hiver …

Comme j’aime ce Petit Prince et sa philosophie. « C’est à mon risque de peine, que je connais ma joie. ». Wahou ! Il y a quelque chose à la fois d’évident pour la plupart d’entre nous et pourtant de totalement interdit pour les personnes dîtes « vulnérables ». Personnes handicapées, personnes âgées, il est des situations où le risque n’est pas (ou plus) à prendre. La vie n’est déjà pas tendre avec vous, il ne manquerait plus qu’un chagrin d’amour là dessus et ce serait le pompon ! Et pourtant !

À plusieurs reprises j’ai eu l’occasion d’aborder la question de l’intimité des personnes en situation de handicap physique avec ce qu’on appelle des troubles associés (difficultés d’élocution, très mauvaise vue et/ou parfois de légers soucis intellectuels). Lorsque nous abordions des sujets tels que les relations amoureuses et/ou sexuelles, souvent nous était opposée (par les familles ou les professionnels de l’accompagnement médico-social) la fragilité des personnes concernées. « Vous n’y pensez pas ! Dans son état elle risque de se faire abuser ! ». « Le pauvre, elle va profiter de lui c’est certain! ». Et plus que tout on nous expliquait que ce serait difficile s’ils se faisaient quitter. Mais qu’est ce qu’une existence sans risque et de surcroît amoureux ? Je revendique le droit au râteau et à la dépression post-largage !

Bien-sûr je n’oublie pas que les femmes en situation de handicap sont plus sujettes aux violences et qu’une attention toute particulière doit leur être portée. Mais il existe sans doute un discours plus juste, qui permette à chacun.e de vivre pleinement, d’exploiter entièrement son potentiel, sans craintes exagérées par les projections sur nos fragilités. En écrivant ces lignes je me rends compte du chemin qu’il reste à parcourir et je me dis que bordel, j’ai pas fini de rouler … ;)